Voyager seule à 21 ans dans un pays complexe a été à la fois la décision la plus excitante et la plus angoissante que j’ai prise.
Cette décision a été longuement réfléchie. L’année précédente, un événement tragique a bouleversé ma vision de la vie. J’avais un profond besoin de me dépasser, de me redécouvrir et de repousser mes limites. Je ressentais l’envie de voyager.
Pendant un dîner en famille, j’ai partagé mon projet de partir à l’aventure, sans encore savoir précisément dans quel pays je souhaitais vivre cette expérience.
C’est à ce moment-là que ma marraine m’a suggérée de partir en Inde. J’ai immédiatement accepté et entrepris les démarches nécessaires pour m’y rendre.
Avant de partir, je devais bien préparer mon arrivée en m’informant sur les lieux à éviter et les précautions à prendre. C’est à ce moment-là que l’angoisse a commencé à monter. En consultant divers articles, j’ai découvert la vision souvent négative de l’Inde dans les médias occidentaux. Chaque page semblait relater des histoires de meurtres ou de viols, sans jamais évoquer les aspects positifs que ce pays a à offrir.
J’ai choisi de ne pas me concentrer sur ce qui se disait et de me forger mon propre avis une fois sur place. Je ne voulais pas arriver avec des préjugés qui auraient pu altérer mon expérience et ma perception du pays.
Le 31 août, jour de mon départ, j’ai commencé à prendre conscience que j’allais vivre une expérience hors du commun. Mon vol, qui durait 7 heures, a malheureusement été marqué par une crise d’allergie, me rendant malade tout le trajet. Sans m’en rendre compte, j’ai interprété cela comme un mauvais signe, comme si mon corps me disait de retourner en France.
Une fois arrivée à destination, j’ai enfin pu souffler. J’étais épuisée, mais l’agitation de l’aéroport et la foule autour de moi m’ont redonné un peu d’énergie. La première chose qui m’a frappée, c’était la chaleur étouffante causée par l’humidité. L’air semblait presque irrespirable.
Ma première mission en Inde était de récupérer ma valise. Pendant ce temps, je tentais tant bien que mal d’informer ma famille et ma marraine de mon arrivée. Cependant, dans cet aéroport, il n’y avait pas de wifi gratuit, seulement accessible avec un numéro de téléphone indien. Ce fut ma première erreur du voyage. J’ai donc activé ma 4G, et pour 10 minutes d’utilisation, la facture s’est élevée à 148 euros.
Après avoir récupéré mon bagage, je me suis dirigée vers la foule. D’après les recommandations du site de l’ambassade, les moyens les plus sûrs pour une femme seule de prendre un taxi sont de prépayer un taxi noir et vert du gouvernement ou de prendre des «tuk-tuks» roses qui sont conduits par des femmes.
Pendant le trajet en voiture pour aller chez ma marraine, j’ai commencé à saisir certaines particularités de l’Inde. Par exemple, les ceintures de sécurité sont obligatoires uniquement pour le chauffeur, pas pour les passagers. En raison des embouteillages et du trafic dense, les véhicules ne roulent pas à grande vitesse. Sur les routes de Delhi, on trouve de tout : des tuk-tuks, des voitures, des tracteurs, des scooters, et surtout des vaches. Là-bas, ces animaux sont sacrés, et lorsqu’elles traversent la route, les véhicules doivent s’arrêter pour les laisser passer.
Pour réduire les accidents dans le trafic, chaque conducteur klaxonne afin d’alerter les autres de sa présence à proximité.
Le long de ces avenues, on trouve des arbres plantés, souvent inclinés ou tordus. Les Indiens construisent même leurs maisons autour de ces grands êtres verts. Chacun d’eux porte un numéro, permettant aux médecins des arbres de surveiller leur état de santé à travers des inspections régulières.
Aux abords de ces routes, les déchets s’accumulent. Chez les Indiens, la possession n’existe pas, ils peuvent s’installer sur de petits espaces pour méditer ou faire sécher leurs vêtements sur des barrières sans protestations. Par ailleurs, des hijras et des mendiants mettent leur vie en danger en quémandant dans les trafics.
Les hijras sont des femmes transgenres qui peuvent apporter le bon œil si on leur donne de l’argent, ou le mauvais œil si l’on refuse. Elles se distinguent généralement en interpellant les passants par des claquements de mains ou en frappant sur les vitres.
Les hijras ont pour mission d’accueillir chaque nouvel arrivant, chaque naissance ou nouvelle voiture en proposant leurs services de bénédiction en échange d’argent. Elles ont ainsi développé un vaste réseau autour de la religion.
Les Indiens attachent souvent des fils noirs ou des citrons et des piments sur leurs voitures pour repousser les mauvais esprits.
Les mendiants ne se limitent pas aux adultes, il y a aussi des enfants présents le long des routes. Ces enfants sont souvent utilisés par des adultes pour augmenter leurs gains. Ils sont victimes d’exploitation. Certains d’entre eux ont été rendus handicapés par leurs parents dans le but de susciter davantage de générosité.
En général, lorsque je les voyais passer, je leur distribuais des shampoings, des produits d’hygiène et de l’eau pour les aider à survivre. Les personnes en situation difficile ne meurent pas de faim, car les temples offrent de la nourriture gratuite à tous, mais elles souffrent souvent de problèmes d’hygiène ou de maladies liées à l’eau non potable.
À New Delhi, les zones sécurisées sont appelées « colonies », ce qui désigne de petits quartiers surveillés par la police.
Certains policiers sont efficaces, tandis que d’autres sont impliqués dans des pratiques de corruption.
Les journalistes qui dénoncent ces méthodes sont généralement emprisonnés.
La corruption est également pratiquée par certains politiciens. Des manifestations se tiennent pour mettre fin aux inégalités entre les plus riches et les plus pauvres. Certains agriculteurs, manquant de moyens, ont quitté leurs villages pour se rendre à New Delhi afin d’exprimer leur mécontentement.
La politique est également au cœur des préoccupations des Indiens. Pour les analphabètes, des dessins sont peints sur les murs afin de leur expliquer ce que chaque parti propose dans son programme. Chaque parti est symbolisé par une illustration, comme un balai ( Aam Aadmi Party, parti centre gauche) ou une fleur de lotus (Bharatiya Janata Party parti d’extrême droite).
L’Inde est composée de plusieurs religions, notamment l’hindouisme, l’islam, le sikhisme, le christianisme, le bouddhisme et le jaïnisme. Dans chaque quartier, des temples leurs sont dédiés.
Lors de mon voyage, j'ai eu l'occasion de découvrir le sikhisme, qui était la seule religion que je ne connaissais pas encore. Les Gudwaras (temples) sont aisément identifiables. Les Sikhs portent plusieurs symboles, tels que la lance, le turban, la culotte sikhs, le bracelet en argent, ainsi que le poignard porté sur le turban.
Dans ces lieux, les personnes peuvent manger gratuitement, trouver un endroit pour dormir et recevoir des soins. Des kirtans (chants religieux) sont diffusés dans toute la Gudwara de 7h du matin jusqu’à 5h.
Avant d’entrer dans ces temples, il est obligatoire de retirer ses chaussures et de se laver les pieds. Quant aux femmes, elles doivent se couvrir la tête. Lorsqu’une photo est prise, il est impératif de faire le signe de paix, symbole de respect pour eux, afin que la photo soit autorisée.
Quant aux Jaïns, leurs temples sont ornés de fresques illustrant l’histoire de leur religion. Ils sont végétariens et portent une grande attention aux animaux. Certains d’entre eux vivent même nus et balaient le sol devant eux pour éviter d’écraser une bête, qu’ils considèrent comme une possible réincarnation divine.
Dans les mosquées, les hommes et les hijras sont autorisés à s’approcher des tombeaux, tandis que les femmes restent autour et attachent des fils symbolisant la force et la spiritualité. Des roses sont également déposées sur les tombes en guise d’offrande. Leur fonctionnement est similaire à celui des Sikhs : ils accueillent toutes les personnes et apportent leur aide aux plus démunis.
Quant à l’hindouisme, c’est une religion complexe composée de plusieurs dieux, chacun incarnant un pouvoir spécifique. Par exemple, Shiva, souvent représenté en blanc, est le dieu de la destruction et de la fin des temps. Certaines divinités, comme Krishna, représenté en bleu, sont vénérées pour leurs rôles, Krishna étant connu pour chasser les démons.
D’autres dieux hindoues prennent la forme d’animaux, comme Ganesh, représenté avec une tête d’éléphant, ou Hanumān, sous la forme d’un singe.
Chaque divinité a sa propre fête, un moment dédié à la vénération et à la célébration joyeuse de ses exploits. Par exemple, en septembre, les Indiens célèbrent Ganesh, le dieu des nouveaux départs et de la protection des foyers.
Cette fête revêt une grande importance. Chaque famille sélectionne son propre Ganesh, avec des couleurs et des accessoires spécifiques, avant de l’envoyer dans l’une des sept rivières sacrées de l’Inde.
La plupart des lieux de cultes ont été marqués par l’influence des Moghols. Leur composition et leurs détails s’inspirent de la nature, offrant une esthétique délicate et raffinée. On n’y trouve ni ornement voyant ni offrande.
Ces religions jouent un rôle central dans la vie quotidienne des Indiens, notamment à travers la bénédiction des individus.
Certains enfants portent du khôl autour des yeux pour se protéger du mauvais œil. On les rend laids afin que le mauvais esprit ne les récupère pas.
Ce voyage m’a permis de réaliser la chance que j’ai de vivre en France où je ne fais pas face aux mêmes défis que ceux rencontrés en Inde. Là-bas, il n’existe pas de sécurité sociale, les soins de santé sont très coûteux, et les plus démunis hésitent souvent à se faire soigner, attendant parfois des mois devant les hôpitaux pour obtenir un rendez-vous.
Lorsque j’ai annoncé mon voyage, mes proches m’ont dit : soit tu aimes l’Inde soit tu la détestes, il n’y a pas de juste milieu.
J’ai été séduite par la générosité de ce pays, ce sont généralement les plus pauvres qui donnent le plus, qui sourient le plus, qui discutent le plus. Il n’y a pas de différence et ils sont heureux de pouvoir communiquer avec les autres et de partager leur culture. Avec eux, j’ai découvert l’humanité et la bonté.
J’ai appris à apprécier l’ambiance, le bruit et les gens. Ce pays est vivant. Tout est animé et on ne se sent pas seule.
Grâce à ce voyage, j’ai pu me libérer de certains préjugés que j’avais de ce pays et j’ai pu vivre mon expérience pleinement.
Un article de Manzana VALLÉE.
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