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Constellation 

Kaizen d’Inoxtag : Nous avons tous un Everest à gravir

« Celui qui déplace les montagnes commence par retirer les petites pierres. » Confucius


 

Le 14 septembre dernier, le youtubeur de 21 ans aux millions d’abonnés, Inoxtag, a littéralement coupé le souffle d’Internet avec la sortie de son documentaire Kaizen, qui a pu même s’emparer du grand écran.

 

Le jeune homme y raconte comment il a gravi l’Everest en un an. Sans formation d’alpinisme, pas sportif, Inoxtag s’est entouré de professionnels, dont Mathis Dumas athlète et guide de haute montagne, pour réaliser son rêve avec une date butoir bien courte par rapport à l’intensité de son objectif. Pourtant, le documentaire montre que l’esprit « Kaizen » triomphe : ce mot japonais est avant tout une philosophie de dépassement de soi et de progression continue –  Inoxtag est porté par cette idée tout au long de son périple. Son rêve l’obsède, le passionne, et le pousse à affronter ses peurs, tout en s’imposant une discipline presque militaire pour apprendre l’alpinisme et s’entraîner en grimpant de nombreuses montagnes en un temps limité. C’est une ascension, une véritable leçon de vie qui, malheureusement, a créé de nombreuses polémiques, et toutes ne saisissent pas la métaphore subtile qui se cache derrière l’Everest.

 

De Youtubeur Gaming à alpiniste : « Ain’t no moutain high enough »

 

          En regardant ce merveilleux documentaire, réalisé par Basile Monnot, je ne peux m’empêcher d’être émue. Je ne connais pas vraiment Inoxtag, je suis plutôt de la génération Squeezie. Mais, je suis déjà tombée sur quelques vidéos de lui où j’ai trouvé le personnage drôle, agréable, plutôt sympathique. Une représentation « classique » du Youtubeur de divertissement, qui parle à une certaine jeunesse dont je ne fais « plus » partie. Inoxtag pourrait être mon petit-frère qui passe son temps à jouer aux jeux vidéo tout en partageant sa passion avec une immense communauté. Je ne suis pas son public cible, mais cela ne m’empêche aucunement de m’intéresser à Kaizen. A vrai dire, tout tombe à pic. Les derniers événements de ma vie créent de nombreuses remises en question, peut-être même de nouveaux défis émergent. Je n’aurais jamais cru qu’un jeune gamer me pousse autant à repenser mon existence en 2h30 de documentaire YouTube, digne d’une œuvre de cinéma.

 

J’avais cette chanson en tête de Marvin Gaye : « Ain’t no moutain high enough. » Oui, aucune montagne n’est assez grande pour que je ne la gravisse. Ces mots ont sûrement traversé l’esprit d’Inoxtag. Dès le début du documentaire, le jeune homme explique que rien ne le prédispose à être alpiniste. Il n’est pas sportif, et son métier de Youtubeur gaming l’a rendu presque sédentaire. Sa santé en a pris un coup : malbouffe, peu de sommeil, vie désorganisée, très centrée sur le virtuel. Il se rend compte qu’il est un « produit » d’Internet, lui qui a commencé à s’exposer alors qu’il était tout juste pré-adolescent. Gravir l’Everest, c’est aussi repenser ses choix, transformer ses habitudes, réimplanter une certaine discipline dans une existence qui va vite, très vite. Inoxtag s’entoure donc d’une équipe formidable qui le suivra tout au long de son parcours. Il commence à faire du sport, à découvrir la montagne et la nature, à prendre goût à l’effort.

 

C’est une véritable transformation qui se façonne sous nos yeux – et si ce jeune homme peut le faire, pourquoi pas nous ? Cette question résonne alors que les images, d’ailleurs merveilleusement agencées, défilent. Oui, que fait-on de nos rêves ? Nous nous sentons petits face à la grandeur de l’Everest, mais il y a toujours un moyen de l’atteindre – du moins, métaphoriquement. C’est bien ce que le documentaire nous enseigne. Je ne peux m’empêcher de penser au film Ratatouille : « Tout le monde peut cuisiner ».

 

« Tout le monde peut devenir alpiniste », particulièrement si nous travaillons sur notre physique et notre mental, sur nos faiblesses, nos failles, toujours avec l’amour de notre objectif. Cette manière de penser a bien évidemment suscité de nombreuses polémiques, force est de constater que la réussite ne plaît à la France, encore moins quand il s’agit d’un jeune produit YouTube qui nous donne à nous, adultes, une grande leçon de vie.

 

Inoxtag au coeur de polémiques : la rançon du succès

 


Tout succès mène à la jalousie. C’est presque une équation, c’est mathématique. Montaigne écrivait : « La jalousie est de toutes les maladies de l'esprit celle à qui le plus de choses servent d'aliment et le moins de choses de remède. » Si les réactions sont enthousiastes et passionnées pour la majorité, des reproches fleurissent. Je retiens notamment celle d’un ancien alpiniste qui critique ardemment Inoxtag pour avoir porté un masque à oxygène lors de son ascension, de ne rien avoir fait « d’exceptionnel » car beaucoup l’ont fait auparavant. Il est temps de donner une chance à la jeunesse de se dépasser, car non, Inoxtag n’a jamais voulu concurrencer les alpinistes, mais bien relever un défi qui lui paraissait impossible à son niveau. Il ne prétend pas être devenu un grand sportif, ou le nouveau visage d’un sport qu’il ne pratiquait pas il y a un an. Bien au contraire, il invite ses spectateurs à progresser, à ne pas s’écraser face à l’adversité d’un objectif, si grand et inatteignable semble-t-il.

 

Parmi les autres polémiques, le côté égocentré du documentaire qui ne montre pas un « rêve » possible pour le commun des mortels. La réalité reste qu’il s’agit de son histoire, de son ascension, qu’il se place en personnage principal de son projet. Inoxtag est né sur Youtube, il a l’habitude d’être le narrateur omniscient de ses aventures. Il reprend tout simplement un format qu’il connaît, et qui correspond au défi donné : une avancée personnelle sur le chemin de l’apprentissage. Devenir un homme, c’est aussi se regarder dans nos faiblesses, nos victoires. Loin d’un simple vlog, il s’agit, je dirais même, d’une véritable réadaptation cinéma de la scène Youtube. Tous les plans de Kaizen ont du sens : on se souviendra du fameux plan « chaussure » qui rythme parfaitement le travail « physique » du Youtubeur. C’est du cinéma, c’est du grandiose, des musiques épiques, des plans sublimes. Godard disait : « Le cinéma, ce n'est pas une reproduction de la réalité, c'est un oubli de la réalité. Mais on si enregistre cet oubli, on peut alors se souvenir et peut-être parvenir au réel. » Il est évident qu’Inoxtag n’a pas gravi l’Everest avec des musiques à la Hans Zimmer, qu’il y a eu des moments de doute, de repos, de latence. Il est aussi évident que l’Everest a un coût, et que beaucoup n’ont pas les moyens de le gravir. Mais, cela ne reste pas l’objet du documentaire à mes yeux. Je ne l’ai pas ressenti ainsi, car le Youtubeur ne nous explique jamais que l’Everest est le seul moyen de se dépasser.

 

La seule polémique qui me semble pertinente est celle concernant l’écologie. Inoxtag mentionne très légèrement les implications écologiques d’atteindre l’Everest, devenu un lieu sur fréquenté. Mais peut-on lui en vouloir ? Le documentaire est avant tout l’histoire d’un défi personnel qui n’a pas pour but premier d’informer sur ce sujet. Cela aurait dû être fait dans le meilleur des cas, mais fustiger la réussite d’un jeune homme par ce paramètre nous montre bien que la jalousie a de beaux jours – surtout lorsque ce sont des personnes qui ont des IPhone 28 et des Mac Book Pro, des produits tous très « écolos », qui rédigent ces commentaires.

 

Et toi, c’est quoi ton Everest ?

 

Ce que je retiendrai de Kaizen, c’est que l’Everest est avant tout une métaphore plutôt incomprise. Je pense que la majorité des polémiques, hors écologie, naissent de ce manque de compréhension. A la fin du documentaire, Inoxtag l’explique assez clairement : nous avons tous un Everest à gravir. Et si nous nous sentons minuscules face à cet objectif, il est bon de se rappeler que nous sommes plus grands que nous ne le croyons. Je pense à François Cheng dans ses Cinq méditations sur la mort : « La vie ne nous appartient pas, c'est nous qui lui appartenons. Elle est transcendante pour la simple raison que tout en palpitant au plus intime de nous, elle est infiniment au-dessus et au-delà de nous. Nous ne pouvons que nous en remettre à elle en toute confiance. »


 

La vie, nous la façonnons. Et, lorsqu’elle nous façonne, nous avons toujours le pouvoir de redéfinir nos contours, de transformer ce que les événements ont fait de nous. Rien n’est défini, tout est en mouvement. C’est ce qui est touchant dans Kaizen : la force de se recréer, de s’offrir une chance d’être nous-mêmes. La « meilleure version de nous » n’existe pas. Elle est sans cesse en mutation. La vie m’a appris qu’elle est bien trop courte pour ne pas la rêver, l’écrire, la métamorphoser. Qu’on soit Youtubeur Gaming ou écrivain, nous portons tous en nous la plume qui écrira notre histoire. Alors, c’est quoi ton Everest ? Moi, je connais le mien, et il me semble si grand que j’aie envie de grandir pour l’atteindre en le serrant dans mes bras.

 

Un grand bravo à Inoxtag et son équipe. Un article de Manon LOPEZ.

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