Populaire de son vivant et considérée comme une « self made woman » Élisabeth Vigée Le Brun a été oubliée peu après sa mort avant d'être rétablie et appréciée aujourd'hui. Elle s'est frayée un chemin dans un monde d'hommes, celui de la peinture. Elle a su ainsi séduire les hautes sphères de la société. La longue et prolifique carrière de celle qui a parcouru une bonne partie de l'Europe de Rome à Saint-Pétersbourg a été suivie du pire : l'oubli et le mépris. 182 ans après sa mort, voici un panorama réhabilité, illustré par l'un de ses tableaux qui a fait scandale.
Un destin prédestiné
Élisabeth Vigée Le Brun née Élisabeth Louise Vigée, naît le 16 avril 1755 à Paris, décède à Louveciennes le 30 mars 1842. Fille de Louis Vigée, pastelliste membre de l'Académie de Saint-Luc, et de Jeanne Maissin, elle est issue d'un milieu bourgeois artistique. Enfant, son talent pour le dessin s'exprime, déjà remarqué par son père qui est son premier professeur. Il lui dira « Tu es née peintre mon enfant ou il n'en sera jamais ». Celui-ci l'initie à l'art du pastel. A sa mort, elle est formée dans les ateliers de Bocquet, Davesne réputé bon coloriste, Briard ainsi que Doyen qui lui achète ses premiers dessins. Côtoyant également Vernet, elle note dans ses mémoires « j'ai constamment suivi ses avis car je n'ai jamais eu de maître proprement dit ». Par opportunisme, Élisabeth rencontre la Duchesse de Chartres, épouse du duc d'Orléans. Séduite par son style, elle lui commande un portrait. Fascinée par son œuvre, celle-ci vante son travail à Versailles. Intriguée, la reine Marie-Antoinette la convie. A cette époque, il est illusoire d'accéder à l'Académie Royale de peinture et de sculpture : c'est une institution prestigieuse mais conservatrice. Élisabeth est admise à l'Académie de Saint-Luc, en devient membre officiel le 25 octobre 1774. Le 30 novembre 1776, celle-ci est admise à œuvrer pour la cour du roi Louis XVI. En 1778, elle est conviée auprès de la reine, devient son peintre officiel et réalise son premier portrait d’après nature. Grâce à l'appui de Marie-Antoinette, elle fait partie en 1783 des rares femmes à intégrer l'Académie Royale de peinture et de sculpture. Suite à la Révolution française, après douze ans d'exil de 1789-1802, elle rentre à Paris. En 1789, elle émigre pour la péninsule italienne et gagne Rome au mois de novembre. En 1790 Élisabeth vit entre Rome, Florence et Naples où elle réalise un autoportrait pour la galerie des offices de Florence. De 1792 à 1795, Elisabeth s'installe à Vienne. De 1803 à 1805, elle réside en Angleterre puis fait un voyage en Belgique avant de réaménager à Paris à l'Hôtel Le Brun. De 1807 à 1808, en opposition au nouveau régime impérial, Élisabeth ne reçoit qu'une seule commande, celle du portrait de Caroline Murat sœur de Napoléon. La portraitiste séjourne à plusieurs reprises en Suisse chez Madame de Staël avant de se fixer et s’éteint à Louveciennes où elle écrit ses mémoires. C'est dans ce contexte historique que notre tableau deviendra populaire auprès de la cour asseyant un peu plus la réputation de la portraitiste Elisabeth Vigée Le Brun.
Portrait de Marie-Antoinette dit « en gaulle » Portrait de Marie-Antoinette dit « Marie-Antoinette à la rose» Autoportrait au chapeau de paille 1782
93x79 châteaux de Versailles 1783 131x87 château de Versailles 1783 97,8x70,5 Galerie national Londres
Une liberté entravée
Réalisé en 1783 par la peintre favorite de la reine, Élisabeth Vigée Le Brun fait le portrait de Marie-Antoinette dit « en gaule ». Il y représente la souveraine dans une tenue simple, une robe-chemise vaporeuse en mousseline de coton se portant resserré à la taille par un large ruban, sans corset, ni panier. N'ayant aucun bijou et coiffée d'un large chapeau de paille avec un bouquet à la main. Elle y est représentée seule, vraisemblablement dans les jardins du Trianon ou du Hameau où elle aime vivre une vie champêtre, loin des complots de la cour. Ce portrait flatteur, très intimiste montre une femme affichant sa grande liberté vestimentaire. Porté généralement comme linge de corps ou d'intérieur celui-ci fait alors scandale. Impudique, indécente, choquante, en un mot transgressive telle est la manière dont la reine est jugée le 25 août 1783. Louis XVI demande à ce que le tableau soit décroché des cimaises du Salon et le fait rapporter à Versailles. Pour cause, cette représentation de la reine de France jugée « indigne » de son rang : il est fondamental de remettre en avant son image. D'autant qu'à cette époque elle est déjà impopulaire et « mal aimée » dans le royaume. Madame Vigée Le Brun reprend alors ces pinceaux pour la « revêtir » comme il se doit dans une robe d'apparat en soie, moirée gris bleu, aux reflets argentés, parée de perles et d'un chapeau à grandes plumes. Intitulé « Marie-Antoinette à la rose», il est aujourd'hui le portrait le plus connu de celle qui fut la dernière reine de France.
Un article de Jessica SAUVAGE.
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