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Constellation 

Maria, une Tragédie en Trois Actes

Biopic d’une peur rétrospective, Maria réalisé par Pablo Larraín nous conte la fin de vie de la cantatrice grecque Maria Callas. À travers cette vie, le réalisateur renoue après El Conde aux figures féminines détruites tout d’abord par la pression médiatique dans Jackie en 2016, puis la pression institutionnelle dans Spencer en 2021. Ici elle est représentée par cette figure de cire qu’est La Callas, une figure parfaite, grandiose et orgueilleuse qui n’est plus. Incapable de chanter, prisonnière de son corps affaibli par les médicaments, elle sombre dans un monde de souvenirs et de visions qui la hantent.



Une figure fantomatique


Le film de Pablo Larraín est d’abord un film sur la mort. Une mort qui débute le film mais qui, en réalité, imprègne chaque plan, car c’est l’état même de Maria, incarnée par une Angelina Jolie bouleversante. Chaque plan, du panoramique d’ouverture au plan fixe de fin semblant morts, effroyablement vides, transforment à eux seuls le personnage en fantôme. La Callas est morte et ce qui reste n’est qu’un esprit divaguant de scène en scène. Maria n’est pas un biopic sur la vie de Maria Callas, c’est un biopic sur sa destruction, sur sa mort. Cette figure, Pablo Larraín la peint comme une statue de cire, fondant jusqu’à totalement disparaître en laissant le spectateur seul devant les traumatismes de cette femme. Maria, plus qu’un biopic, se révèle être un véritable film de fantômes, où la mémoire et la douleur errent sans jamais trouver de repos.



Une fuite en avant


Maria, c’est aussi le récit d’une fuite désespérée, un combat obstiné contre l’inévitable. Si tout dans la vie de cette femme semble la ramener à la mort – son corps affaibli, sa solitude écrasante, son statut d’icône déchue –, Maria Callas s’y refuse avec une ferveur tragique. À travers les interviews qu’elle réinvente, les récits qu’elle façonne et cette autobiographie qu’elle n’écrira jamais, elle tente de réinventer sa propre histoire.

Mais ce déni de la mort se manifeste surtout par sa quête acharnée de retrouver ce qu’elle a perdu : sa voix, son talent, son éclat de cantatrice adulée. Maria ne cherche pas seulement à se reconstruire, elle veut revivre pleinement les moments de gloire qui lui ont échappé, les savourer comme elle ne l’a jamais fait. Cette volonté de renaissance, presque déchirante, exprime son désir de conjurer l’oubli, de repousser l’effacement qui guette.

En cela, Maria dépasse l’idée d’un simple récit crépusculaire pour devenir un portrait poignant de l’espoir et de l’illusion. Cette fuite en avant n’est pas seulement un refus de la mort, mais un appel désespéré à la vie, une tentative de s’arracher au silence et à l’oubli qui menacent de la consumer.


Le retour d’un mythe

À travers ce personnage, Pablo Larraín revisite le mythe de la diva déchue. À l’instar du personnage de Norma Desmond dans le film Boulevard du Crépuscule de Billy Wilder, Maria Callas est un personnage oublié, déclassé, qui ne semble exister que par le souvenir de sa vie d’avant. Comme Norma, Maria est une femme prisonnière de son propre mythe, refusant de se confronter à une réalité où sa gloire n’existe plus. Toutes deux s’accrochent désespérément à l’idée d’un retour triomphal : Norma rêve de revenir sur les écrans dans une œuvre qu’elle imagine déjà grandiose, tandis que Maria s’accroche à l’espoir de retrouver sa voix et de revivre la splendeur de sa carrière de cantatrice. Ce déni du déclin devient à la fois leur moteur mais aussi leur fardeau, les conduisant à se perdre dans des illusions qui ne peuvent qu’être déçues. Cependant, là où Norma Desmond s’enferme dans un manoir délabré, entourée de décors vieillissants, Maria, elle, est hantée par ses souvenirs et ses spectres du passé. L’une est en quête de lumière sous les projecteurs, l’autre cherche désespérément à reconquérir sa voix, symboles de leurs grandeurs passées.

 

Un article de Isaac VIVIER.




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