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Constellation 

Photo du rédacteurIsaac VIVIER

Megalopolis, le Plus Mauvais des Chefs d’Œuvres ?

Il y a des projets avortés qui devraient le rester. The Legend of Conan réalisé par Paul Verhoeven, Napoléon réalisé par Stanley Kubrick, Dune réalisé par Alejandro Jodorowsky... Tous ces films ont un point commun : ils sont devenus culte sans avoir jamais existé. Et jusqu’à récemment, c’était également le cas du dernier film de Francis Ford Coppola, Megalopolis.



Megalopolis est un film malade. Malade d'une genèse interminable qui s’étire sur un demi-siècle, malade des attentes pesantes des fans de Coppola, malade enfin de la liberté absolue que s’octroie le réalisateur en s’auto-proclamant unique maître à bord. Megalopolis est un projet à la dérive, un navire sans cap, ballotté et détruit par une ambition démesurée. C'est un film fascinant autant qu’exaspérant, une œuvre titanesque où l’excellent côtoie l’exaspérant.


Une intrigue éparse mais simpliste


L'intrigue, tentaculaire et chaotique, se perd dans des méandres tout en s'appuyant sur une naïveté désarmante. Le duel entre l’artiste et le producteur semble d'une simplicité presque déconcertante. Les personnages, à force de caricature, flirtent avec l’absurde, tandis que les acteurs, parfois au bord du surjeu, oscillent entre performance magistrale et excès théâtral.

Et pourtant, au milieu de ce chaos, émergent des scènes d'une inventivité esthétique bouleversante. L’utilisation des trois écrans verticaux, hommage manifeste à Napoléon d’Abel Gance, multiplie les points de vue et fait se superposer des scènes comme autant de couches narratives qui débordent de l’écran. Ce procédé traduisant parfaitement le trop-plein scénaristique du film. Les caches, utilisés pour emprisonner certains personnages dans le cadre, rappellent eux les expérimentations visuelles des premiers films muets, guidant le regard du spectateur. Les lumières, d'une magnificence parfois kitsch, créent un contraste saisissant : le sublime et le grotesque se côtoient.


L'esthétique comme seul intérêt au film ?


Il me semble pourtant que le film n’est pas qu’une œuvre esthétique, malgré un questionnement politique naïf. En effet, ce film est le film d’une vie : le trop-plein est donc immanent à ce projet, tout y conduit. En cela, le film est peut-être le dernier projet fou d’un réalisateur mégalomane.

Ce film est le dernier à s’offrir une liberté totale vis-à-vis des studios, et c’est peut-être cela qui le rend unique. On pourrait émettre l’hypothèse, qui à mon avis n’est pas tout à fait farfelue, que ce film est en fait un mélange de trois remakes d’un même film. Sachant que le projet de Megalopolis a commencé à être pensé dès 1980, il semble que certaines idées du premier script aient été conservées. Et si, finalement, le seul défaut de Megalopolis était d’être un projet qui a traversé les époques sans que Coppola ait su en faire la synthèse ?


La politique et le cinéma


En réalité, cela est plus complexe. On s’est souvent contenté de poser une question générale et réductrice au sujet du cinéma : est-ce que tout film est politique ?

À cette question, les critiques ont tendance à répondre que oui. À mon sens, cela est une erreur. La politique peut être entendue de deux manières. Tout d’abord, elle peut être liée à l’organisation du pouvoir et à son exercice. Si l’on prend ce sens du mot « politique », il n’y a aucun film qui déroge à cette règle car tous les films sont liés et travaillent des figures liées à l’organisation du pouvoir. Mais si la politique est relative à la théorie du gouvernement et au questionnement qu’offre la notion de pouvoir, alors tous les films ne peuvent pas être politiques. À mon sens, c'est là que se situe le problème de la mécompréhension autour de ce film. Loin de défendre l’idée qu’il s’agit d’un chef-d'œuvre, il me semble que le film ne fait de politique que dans le fait de représenter une organisation du pouvoir. Jamais il ne va à l’encontre de ce pouvoir, ne le remet en question, ni ne le pose comme une solution. Ce film extrait totalement le questionnement politique de son déroulé, créant à la place des figures symboliques qui en seraient une sorte de représentation grossière.


Finalement, le film « somme » de Coppola est en réalité un film dont la qualité esthétique, le jeu des acteurs et le savoir-faire du réalisateur sont indéniables. Malgré tout, sa naïveté, son éparpillement et sa mégalomanie révèlent les limites d’un travail qui s’étend sur plus de 50 ans. Peut-être que ce film sera le dernier dans son genre : un film aussi grandiose et brillant qu’ennuyeux et barbant. Un article de Isaac VIVIER.

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