Star Academy : Des Milléniaux à la Gen Z, Miroir d’une Transformation Sociétale.
- Mélanie GAUDRY
- 27 janv.
- 18 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 févr.

Nous sommes en août 2001 lorsque la Star Academy fait irruption dans nos salons. Télécrochet promettant de transformer un inconnu en star de la chanson, cet ovni télévisuel peine d’abord à convaincre la ménagère et sa progéniture. Pour preuve, les audiences des premières émissions sont catastrophiques. Endemol songe à remplacer son présentateur Nikos Aliagas – jeune animateur jusqu'alors habitué aux infos intimistes sur le câble - mais également à déprogrammer l’émission. Peu à peu, alors que tout semble perdu, le public finit par se prendre de passion pour les aventures de Jean-Pascal, Jenifer et de leurs camarades. De ce succès suivront huit saisons diffusées sur TF1, une tentative de come back plus confidentiel sur NRJ 12 en 2012 et une résurrection du programme en 2022 sur sa chaîne mère. Traversant les générations, la Star academy se distingue des autres divertissements par sa dimension sociétale et sociologique, dressant en outre un portrait fort réaliste de la jeunesse française. Si les programmes de télé-réalité d’enfermement renferme prostituées déguisées en candidates, marginaux avides d’argent et autres personnalités prêtes à tout pour vivre un quart d’heure de gloire, le télécrochet s’inscrit dans une lignée artistique et humaine. Réunissant des jeunes français âgés de 16 à 37 ans, la « star ac » a su saisir la substantifique moelle de la jeunesse des années 2000 à nos jours, cristallisant ainsi sa mutation, ses envies et les combats qui l’anime.
Clichés, romances : des débuts façon Loft Story musical.
Durant les premières saisons, les présentations des candidates sont systématiquement axées sur le physique. Ainsi retrouve-t-on le tour de poitrine de Jenifer dans son portrait lors du prime d’ouverture de la saison 1 ou encore des remarques que l’on jugerait aujourd’hui grossophobes dans celui d’Isabelle de la saison 2. Constamment réduites à leur plastique, dans un sens positif pour certaines, notamment Elodie ( saison 3), Eva ( saison 2) ou encore Emma ( saison 2) ; dévalorisant pour d’autres, les élèves féminines doivent composer avec une volonté assumée de la production de les sexualiser. Nous nous souvenons des tenues légères d’Aurélie dans la saison 2 qui dansait en prime time en petite culotte sur des chorégraphies parfois lascives. Sofia (saison 3) prendra le relais incarnant la tradition de la femme objet de la promo, l’ingénue qui ne reculera devant rien pour gagner, et ce, quitte à se trémousser en porte-jarretelles à une heure de grande écoute.
En opposition, nous retrouvons des antagonistes divisées en deux catégories, soit discrètes à l’excès comme la seconde gagnante Nolwenn ou encore Anne, l’intello en titre de la saison 3, soit au physique hors norme à l’image de la ronde Isabelle (saison 2) ou de la petite Stéphanie (saison 3) dont l’accent est mis sur la différence. Nikos se chargera de commenter systématiquement le physique des candidates lors des primes, donnant des séquences qui seraient aujourd’hui jugées cringe et malaisantes. Son salace « Je peux m’introduire ? » à destination des danseuses du professeur de danse Kamel Ouali a d’ailleurs fait l’objet d’un même viral en 2020.
Sans compter sur un désir d’Endemol de mettre en avant des romances fictives ou réelles entre candidats pour éveiller la soif de voyeurisme du public du Loft, carton de M6. La première saison sera rythmée par les rapprochements de Jenifer et de Jean-Pascal mais aussi de Jessica et de Mario. Les téléspectateurs se délectent de ces couples formés dans le château de Dammarie-les-Lys et dont on peut guetter les ébats sur la chaîne 24hsur24 payante sur Canal Satellite. La saison 2 sera moins riche en amourettes. Hormis instrumentaliser l’amitié de Fabien et d’Emma quitte à détruire le couple de cette dernière, la production devra faire sans l’aspect télé-réalité qu’elle recherche. Nous assisterons donc au harcèlement moral de Nolwenn par Georges-Alain et Houcine qui lui reprochent de plaire au répétiteur Matthieu Gonet mais aussi aux problèmes existentiels d’Isabelle, candidate en surpoids qui, après avoir siégé dans le top 5 des meilleurs élèves se voit rattrapée par ses complexes. La saison 3 avec le couple phare Elodie et Édouard aura son plein de dramas. La future gagnante quittera Nicolas, son fiancé, devant les caméras avant d’officialiser avec le guitariste de la bande. S’en suivront des crises de larmes lorsque la jeune femme subira l’élimination de son bien-aimé ou encore lorsqu’une fois dehors il peinera à répondre au téléphone. Amoureuse transie, Elodie s’inscrit dans la tradition de la blonde futile qui ne vit qu’à travers ses inclinations. La production se chargera de lui donner une image de midinette, accentuée par des déclarations enflammées en direct à travers des duos sur des chansons à la dimension érotique évidente. Réduite à un corps puis à ses amours, Elodie incarne l’objectivation de la femme qui, sous prétexte qu’elle possède un physique agréable, s’y retrouve cantonnée. Le sexisme ordinaire assimilant la beauté à la débilité fera le reste, ainsi retiendra-t-on davantage les fluctuations de son histoire d’amour que ses reprises extraordinaires de Gilbert Bécaud ou encore de Barbara.
L’année suivante, ce seront Sandy et Sofiane qui prendront le lead des quotidiennes après l’explosion du couple naissant Harlem-Karima, éliminée suite à l’éviction de son crush lors du vote des élèves. Cette saison 4, restée dans les mémoires comme « la saison de Gregory Lemarchal » s’avère, en réalité, centrée sur les rapprochements entre candidats, plus nombreux qu’à l’accoutumée. Cette année, les élèves se font des avances dignes des meilleures rencontres Tinder. Aussi, John invite Francesca à le rejoindre en salle CSA pour lui prouver à quel point il est viril et Harlem fait éliminer Karima après avoir passé la nuit avec elle. À l’amour élégiaque d’Elodie pour Édouard se substitue la bestialité de candidats qui ont compris que pour gagner, au-delà de bien chanter, il faut aussi donner de sa personne. La saison 4 verra aussi le renvoi d’Émilie pour cause de beuverie, la tentative d’évasion de Matthieu mais également l’agression de Lucie par Enrique. 2004, année de tous les excès, se révèle loin de l’image chorale autour de Gregory Lemarchal que la postérité a voulu laisser. Au contraire, le candidat atteint de mucoviscidose est totalement invisibilisé au profit des dérives de ses camarades, bien plus vendeuses en terme d’audience.

Les quatre premières saisons de la Star Academy sont dignes des films américains pour ados où les belles filles populaires s’opposent aux intellos disgracieuses. Les clichés pullulent au point de voler la vedette au côté artistique de l’émission. Un œil averti se rend facilement compte que chaque saison comporte un casting similaire : jeune première (dans l’ordre : Olivia -Aurélie -Sofia – Hoda), jolie fille (Jenifer – Emma – Elodie – Francesca), atypique (Gregory – Isabelle – Stéphanie- Gregory ), porte-parole d’un pays ( Mario – Rudy – Icaro – Enrique) , intello ( Nolwenn, Anne, Radia) et trublion ( Jean-Pascal – Eva – Patxi – Sofiane). A cela ajoutons une ou plusieurs amourettes, des amitiés non-mixtes dont la catharsis se défendra sur le prime avec le traditionnel duo « Mon frère ». Cousu de fils blancs, le pitch des quatre premières saisons se révèle superposable et identique hormis dans l’adoubement. En effet, chaque saison voit l’intronisation d’un profil différent bien que l’on note entre 2001 et 2004 une volonté assumée de faire gagner la jolie fille de l’aventure. Gregory, candidat atteint de mucoviscidose, cassera la tradition. Une personnalité atypique ici par sa maladie peut également gagner, ouvrant la voie aux prochains gagnants qui seront tout deux issus - pour des raisons différentes - de la même catégorie.
Saison 5 et 6 : la revanche des outsiders
Après la triade de gagnantes, le sacre de Gregory vient rompre avec la tradition de l’émission. En élisant un garçon atteint d’une maladie incurable, la Star Academy se réinvente pour devenir un conte de fées moderne. Un jeune homme malade se voit propulsé au rang de star nationale, chose qui donne une dimension nouvelle au programme. Jusqu’alors télé-réalité musicale, la « star ac » s'humanise en racontant une belle histoire dont l’happy end fait l’humanité. À noter que ce scénario devait initialement être attribué à la saison 2 où le repris de justice repenti, Georges-Alain, devait remporter le trophée. Le jeune homme menaçant la production de révéler le pot-aux-roses sera finalement écarté en demi-finale.
Forte du phénomène Gregory Lemarchal, l’émission se chargera dorénavant d’élire, faute de stigmatiser, une personne atypique. Si Isabelle de la saison 2 se voyait mise à l’écart à cause de son poids, Magalie de la saison 5 remportera la partie. Bien que les remarques des professeurs – Christophe Pinna et Raphaëlle Ricci en tête – perdurent, la fille en surpoids prend sa revanche sur les jeunes premières et autres jolies filles déshabillées pour exciter le quidam. Aussi, les studieuses Ely et Émilie ainsi que la belle Maud se voient évincées par la ronde Magalie, mise au régime par la prod’ mais toujours aussi bien en chair. Petite et boulotte, la candidate de dix-huit ans ne correspond en rien aux standards mais s’avère systématiquement sauvée par le public à chaque nomination avant de gagner la saison face au beau gosse Jeremy. Le symbole est d’autant plus fort devant une tête d’affiche finale composée de deux opposés. Magalie, la gentille fille au physique disgracieux face à Jeremy, arrogant et sûr de lui, mais aussi le plus beau garçon du château qui accessoirement sort avec la jolie Maud. Vêtue d’une robe de gala, la jeune fille reçoit son trophée sous les yeux ahuris d’une promotion qui croyait évidente l’élection de son chef de meute. Nous nous croyons face à la scène finale d’un de ces feuilletons américains où lors du bal de promo, la lycéenne impopulaire prend sa revanche en étant élue reine. S’associent souvent une transformation physique ( ici petite perte de poids et nouvelle coupe de cheveux pour Magalie) et baiser langoureux avec le beau gosse de l’école (ici Jeremy se contentera d’applaudir avant de se vautrer dans les bras de Maud.) La saison 5, en ouvrant la porte à un candidat plus âgé, (Pascal 37 ans contre 30 ans pour le doyen de la saison 1), à des jumelles (Nassim et Naïssa) ainsi qu’à un père de famille ( Jean-Luc 26 ans, marié et plusieurs fois papa) se montre plus inclusive. Si la victoire de Magalie suit celle de Gregory dans sa volonté d'introniser un candidat doté d’une différence, elle ne connaîtra pas l’engouement escompté. En effet, le single de la jeune fille fait un bide et celle-ci ne tarde pas à retomber dans l’anonymat.
La saison 6 suivra cette nouvelle tradition. Plus question d’élire une jolie fille. Désormais, le gagnant doit représenter une minorité et ce, que son sacre soit ou non légitime. Si Gregory disposait d’un talent hors du commun, ce n’était pas le cas de Magalie qui a gagné ( à l’instar de Jenifer ou d’Elodie) pour son physique. Le public ne sera pas dupe et ne suivra pas la jeune fille dans sa carrière solo. Et pour cause, donner le trophée à une personne sous prétexte qu’elle est en surpoids se révèle de la stigmatisation ultime. La réécriture du Vilain petit canard ne prend pas et la saison 6 confirmera cette tendance.
Composée de musiciens et de chanteurs aguerris, le niveau de la sixième saison est particulièrement élevé. On retrouve notamment Dominique, finaliste de la version italienne du programme mais aussi deux auteurs compositeurs de qualité, Jean-Charles et Marina. Un candidat atypique marque les esprits dès le prime de présentation. Il s’appelle Cyril. Racisé et en surpoids, le jeune homme possède une voix aiguë qui ne correspond pas à son physique imposant. De plus, ses manières affectées rendent évidentes son homosexualité, chose qui contribue à en faire un personnage unique.
Jusqu’alors, l’émission n’avait pas mis les gays et les lesbiennes à l’honneur. L’homosexualité était même un tabou. Aussi le portrait d’Anne-Laure, première candidate lesbienne de la télévision avait été éludé lors de la saison 2. Les préférences de Michal mais aussi d’Icaro avaient été tues lors de la promotion suivante. Si la production ne cachait pas sa volonté d’invisibiliser les gays, la saison 6 se charge de les réhabiliter en intronisant Cyril lors de la finale l’opposant à Dominique. Suivant les avancées sociétales, la Star Academy devient le miroir de l’évolution des mentalités en matière de sexualité. Un an après la diffusion sur France 2 de la mini-série Clara Sheller dont un des deux héros est un gay revendiqué, alors que Jennifer Beals ( Flashdance) tient le premier rôle de la série The L World, la télévision se met au diapason. Cyril, à la voix féminine et à l’homosexualité affirmée devient le gagnant d’une cause plus qu’un gagnant légitime. Et d’ailleurs, Dominique autant que Cynthia, éliminée en demi-finale, se sont affirmées comme artistiquement supérieures, à l’image de Magalie, le succès ne suivra pas.
Avec deux gagnants non-vendeurs, le programme s’essouffle. La faute à un casting non renouvelé et à une volonté de prioriser le message social devant la musique. Or, la Star Academy est avant tout une émission musicale dont les invités sont parfois des chanteurs internationaux. Il est donc essentiel pour la crédibilité du programme que le niveau soit au rendez-vous et que le gagnant soit un minimum légitime. Si les quatre premières saisons adoubaient des élèves dotés du talent et de la présentation nécessaire pour faire carrière, la promotion 2005 comme 2006 peine à convaincre. Et pour cause, la scène est également un métier d’image, chose qui ne doit pas être niée au risque de ne pas vendre de disques.
Essoufflement du phénomène « star ac »
Six ans après ses débuts, le phénomène « star ac » s’essouffle. Si les deux dernières saisons ont fait prendre l’eau au programme, c’est surtout la transformation sociétale qui porte le glas à l’émission.
En 2001, lorsque Jenifer, Carine, Djalil et leurs camarades faisaient leur entrée au château de Vives-Eaux à Dammarie-les-Lys, le concept d’un format hybride entre Pop-Star et Loft Story était novateur. Le goût de la nouveauté associée à la dimension voyeuriste propres aux formats d’enfermements avaient suscité la curiosité puis l’engouement du public. Sans compter sur le choix de candidats stéréotypés au sein desquels tout-un-chacun pouvait se trouver un alter-ego, des invités de grandes qualités ( Sting, Lionel Ritchie ou encore Phil Collins) mélangés à des starlettes en vogue ( Lorie, Eve-Angeli ou encore David Charvet), des professeurs mythiques ( Oscar Sisto et ses « pas mal », Armande Altaï et son look baroque, les debrief’ animés de Raphie etc) et surtout une dimension familiale à travers le retour d’anciens via les primes ainsi que les croisements inter promotions. Tous les ingrédients étaient au rendez-vous pour faire de la Star Academy une émission hors du commun, ce qu’elle a été durant trois ans.
La multiplication des télé-réalités – Nice People, la Ferme Célébrités ou encore Secret Story – viennent faire de l’ombre au programme vieillissant. Avec le flop de Magalie et de Cyril, le storytelling se vantant d’ériger un inconnu en star de la chanson ne fait plus rêver personne. Le public suit désormais les cours des candidats par nostalgie de son âge d’or. Le décès de Gregory Lemarchal en avril 2007 vient renforcer ce sentiment. Les « émissions hommage » se multiplient entre la saison 6 et 7 et paradoxalement, celles-ci rencontrent le succès perdu.
Désormais, la vox populi condamne davantage l’exploitation des jeunes artistes qu’elle ne vante les aventures académiques des promotions successives. Les mentalités ont évolué et le politiquement correct est devenu le maître mot. Finies les interventions sexistes de Nikos, les oppositions entre blonde et brune, l’instrumentation des amourettes. Désormais la volonté de la prod’ se tournent vers le grand spectacle. Le plateau s’agrandit, les tableaux de Kamel Ouali offrent des spectacles de plus en plus vertigineux, quant aux candidats rebaptisés étudiants, ils doivent se transformer en MacGyver artistique autrement dit : danser, chanter, composer et jouer d’un instrument.
Si la victoire de Quentin fera l’unanimité devant le talent indubitable du jeune suisse, les audiences ne seront pas proportionnelles aux qualités du gagnant de la saison 7.
Aussi la huitième édition deviendra une sous version du programme. Délestée de son château emblématique pour un hôtel particulier du Marais mais également de sa tournée, la saison 8 fait triste mine. Raphaëlle Ricci, professeur d’expression scénique aux débriefings incontournables quitte sa place ainsi que la directrice Alexia Laroche Joubert remplacée par Armande Altaï (professeur de chant saison 1 à 3.) Du côté des candidats, nous sommes loin des personnalités affirmées comme Georges-Alain ou encore Jean-Pascal. Aussi le sacre de Mikels passera totalement inaperçu.
Flop de trop, la saison 8 sera la dernière. Il faudra désormais attendre seize années avant que TF1 n’exhume le programme. Devenue has been, la « star ac » disparaît des radars. Si Jenifer, Nolwenn, Elodie et Quentin continuent sur la voie du succès, d’autres candidats parviennent à tirer leur épingle du jeu. Ainsi Olivia Ruiz, Aurélie Konaté, Jeremy Châtelain, Patxi Garat, Sofia Essaïdi et Michal emboitent le pas aux gagnants en poursuivant leur carrière artistique. Hors des trois premières saisons, les avènements se font rares, la plupart des anciens élèves de Dammarie-les-Lys tombant dans l’oubli, faisant parfois l’objet d’un « que sont-ils devenus » dont sont friands les médias de seconde zone.
À la surprise générale, onze ans après la première édition, NRJ 12, chaîne montante de la TNT décide de ressusciter le programme. Avec des moyens moindres que ceux de TF1, une nouvelle académie ouvre ses portes. Plus question de chanteurs internationaux en guest, les candidats doivent se contenter d’un spectacle intimiste et d’un château plus modeste que celui de Dammarie-les-Lys. Seuls les professeurs viennent relever le niveau. Avec la comédienne Charlotte Valandrey en directrice, la compositrice Juliette Solal à l’expression scénique et Pascal Soetens ( Pascal Le grand frère, SOS ma famille a besoin d’aide) en médiateur, le corps professoral se paie une cure de jouvence en comparaison avec la saison 8 de TF1. Au niveau des élèves, on retrouve pour la première fois un couple, Laurène et Louis, ainsi que des personnages assez marqués comme le dandy Sidoine ou encore la volcanique Vanina.
Gangrenée par les problèmes techniques lors de différents primes, l’émission souffre d’un manque de moyens mais également de l’amateurisme des équipes non habituées aux shows importants. Les audiences sont à l’image du programme qui ne parvient pas à fidéliser son public. Si le casting est globalement plus abouti que celui de la huitième saison de TF1, l’échec de la Star Academy 2012 montre que les spectateurs sont passés à autre chose. Désormais captivé par les grandes voix de The Voice et écœuré de dix ans de voyeurisme intensif généré par les différents programmes d’enfermement diffusés, le public est passé à autre chose. A l’issue de la victoire de Laurène, la« star ac » meurt une seconde fois.
Adieu aux genres, néo-féminisme et nostalgie : le retour de la Star Academy
Si 2022 avait déjà amorcé le retour de Stars à domicile - programme phare des années 2000 - ce sera surtout l’année que tous les nostalgiques des beaux jours de la « Star ac » attendent depuis plus de dix ans.
Il faut dire que les fans de Nolween, Patxi et Elodie ne cessent de réclamer la résurrection du programme culte avec une ferveur accrue par la crise sanitaire. The Voice, dépassant les dix saisons, s’essouffle si bien que rares sont dorénavant les gagnants à faire carrière. Pire encore, le changement continu de coach de moins en moins en crédible fait perdre tout aura à l’émission. Comme autrefois avec la « Star ac », le public boude The Voice tout en regrettant le programme musical qui l’a inspiré.
En 2021, pour les vingt ans de la Star Academy, TF1 avait organisé un prime hommage. Une sorte de test tacite alors que germe l’idée d’un retour. Le score est historique. Non seulement le public s’avère au rendez-vous mais il ne cesse de plébisciter une réouverture du château. À la même période est diffusé un biopic sur Gregory Lemarchal intitulé Pourquoi je vis ? qui enthousiasment spectateurs et critiques. Au-delà d’être un succès populaire, le téléfilm ravive la nostalgie des spectateurs. Le retour de la Star Academy se dessine, désormais prévu pour l’automne 2022.
Nouvelle affiche professorale réunie autour du directeur Mickaël Goldman qui succède à Alexia Laroche Joubert, Nathalie André, Gérard Louvain et Armande Altaï, on découvre Yanis Marshall à la danse, Pierre de Brauer au théâtre, Adeline Toniotti au chant mais également Lucie de la saison 4 pour les répétitions. Des inconnus du grand public pour la plupart dont la légitimité n’est pas toujours évidente. En effet, Adeline Toniotti peine à convaincre tant son CV musical se révèle mince. Si autrefois le corps professoral, hormis quelques ratés comme Milo Lee ( expression scénique - saison 4) ou encore Isabelle Charles ( chant – saison 4), s’avérait crédible – voire même attachant – ce n’est plus tout à fait le cas en 2022. Un appauvrissement qui retentira sur le niveau général des nouvelles promotions qui, contrairement aux précédentes ne sera plus capable de réaliser des tableaux de danse.
Le château de Vives-Eaux de Dammarie-les-Lys ouvre à nouveau ses portes pour le plus grand bonheur des fidèles de l’émission. Nous retrouvons un décor similaire aux premiers volets, de la salle de répétition au foyer, en passant par la salle de danse, tout demeure fidèle à la mémoire que nous en avions.
Contrairement aux années précédentes, afin d’éviter un énième échec, le nombre d’académiciens se voit limité. Dix contre seize à dix-huit précédemment. Si autrefois le physique des filles était scruté voire instrumentalisé, désormais, le leitmotiv de la nouvelle « star ac » est d’effacer les genres. Gommer les frontières entre les sexes pour finalement juger un artiste pour ce qu’il est. L’idée pourrait être mignonne mais ce serait sans compter la dimension politique qui l’engendre. Le wokisme, déjà omniprésent dans les facultés et les médias, tend à prendre en otage un programme de divertissement à peine exhumé.
Si les années 2000 marquait un attrait particulier pour les jolies filles virevoltant en tenues légères au rythme des pas chorégraphiés par Kamel Ouali, vingt ans plus tard, l’austérité prime à l’excès. Aussi, les talons sont désormais évincés des primes ainsi que tous les signes extérieurs de féminité que nous pourrions objectivement compter. On sélectionne des candidats banals voire disgracieux pour éviter d’être taxé d’utiliser le physique des candidats pour les audiences. Afin d’éveiller un engouement populaire, des profils issues des classes inférieures émergent. Le public doit se reconnaître dans ses jeunes artistes aussi le vocabulaire argotique de Tiana ou encore l’agressivité assumée de Léa lors de la saison 10 montrent combien la production désire séduire la France des banlieues. Néo-féministe, populaire, telle est la Star Academy de 2022. Les caricatures des années précédentes ayant la dent dire, on retrouvera un personnage de gay outrancier (Louis) et une intello effacée (Enola), vestige du script initial. Ce sera finalement la candidate malgache Anisha qui remportera le trophée. La jeune femme retombera vite dans l’anonymat tant son manque d’identité vocale peine à convaincre.
Semi-échec, la saison 10 se solde néanmoins sur un renouvellement. TFI, dans sa saison 11 se montrera plus nuancé dans le choix de ses élèves. Yanis Marshall démis de ses fonctions à cause de sa toxicomanie, c’est Malika Benjelloul qui endossera le rôle de professeur de danse. Loin de posséder le talent de Kamel Ouali, rares seront les tableaux dansés qui se joueront sur scène pendant les primes. À l’expression scénique, nous retrouvons Cécile Chaduteau, ancienne danseuse aperçue dans les saisons 3 et 4. La crédibilité toujours manquante, le corps professoral peine non seulement à convaincre mais également à susciter la sympathie du public. Loin des punchlines de Raphaëlle Ricci et des vocalises d’Armande Altaï, les enseignants des années 2020 sont à l’image de leur directeur : insipides.
Le choix des élèves de la saison 11 se peaufine. À la fadeur des candidats de l’année précédente se substitue des figures davantage charismatiques à l’image de Pierre, Julien ou encore Axel. Bien évidemment, les clichés ont la dent dure. Aussi retrouvons-nous deux candidates en surpoids pour prôner le body positive, Clara et Helena mais également un homosexuel exubérant, Djebril. La nostalgie s’annonce comme le véritable moteur de la saison.
Lénie, benjamine de la promotion, n’est pas sans rappeler Jenifer à ses débuts. Même piercing nasal, même type méditerranéen, même pluridisciplinarité, la jeune fille obtient rapidement les faveurs du jury. La « semaine des anciens » où ex-professeurs et candidats emblématiques rendent visites aux académiciens est instaurée. Ainsi peut-on revoir Matthieu Gonet, Armande Altaï ou encore Emma et Aurélie ( saison 2.)

La promotion 2023 se révèle particulièrement bienveillante. En effet, la sororité prend toute sa signification durant cette saison. Les accrochages entre Léa et ses camarades ayant heurtés le public, il n'est désormais question plus que de camaraderie et de solidarité. De toutes les promotions, celle-ci se distinguera par la gentillesse des candidats. Nous pouvons constater une évolution en termes des mentalités en vingt ans. Si autrefois la compétition était souvent envisagée comme un combat, en 2023, le lâcher prise est le maître mot. D’un point de vue sociétal, on peut constater un relâchement des valeurs du travail de la part de la génération Z qui prône une vie chill loin de toutes contraintes. Rejet de l’autorité, perte d’intérêt pour la réussite professionnelle, nombreux sont les jeunes gens à opposer bien-être et travail, se tournant vers un quotidien plus « lent » où priment méditation, développement personnel et souvent auto-entreprenariat. Ce changement de mentalité se perçoit dans la saison où Helena, Lénie, Candice et Victorien font leurs armes à Dammarie-les-Lys, jusque dans la victoire de Pierre où Julien, le second finaliste l’a laissé interpréter son titre quitte à faire pencher la balance du côté de son adversaire. La cohésion est plus que jamais palpable entre tous les élèves alors qu’auparavant différents clans s’affrontaient. Si de belles amitiés telle que celle de Michal et d’Elodie avaient pu naître - cette dernière avait d’ailleurs partagé son gain avec son camarade - la compétition reprenait souvent ses droits. L’année 2024 commence avec le phénomène Pierre Garnier, gagnant dont le succès rappelle ceux des premières éditions. Âgé de vingt et un an, le normand s’impose comme un prodige de la scène musicale française. Auteur compositeur interprète mais aussi musicien, son titre Ceux qu’on était chanté pour la première fois lors de la finale connaît un succès sans précédent. Aussi, il sera emmené à remporter deux récompenses aux NRJ Music Awards. Sa camarade Helena fait également parler d’elle avec ses chansons aux refrains wokistes : Summer Body qui banalise le surpoids et Mauvais garçon qui place les hommes au rang de prédateurs. Si la cancel culture n’a pas contaminé le gagnant, il devient le gagne-pain de la demi-finaliste qui joue de son physique ingrat pour aborder des thèmes actuels.
La saison 12 - encore en cours - bat les mêmes cartes mais de manière plus nuancée. Marguerite, féministe avertie et sensible à la cause LGBTQA +, propose une approche intelligente des enjeux sociétaux. La jeune parisienne de vingt-quatre ans, riche d’une culture musicale particulièrement prolixe, utilise son goût de la scène pour véhiculer des messages primordiaux comme le respect des femmes et la lutte contre les discriminations touchant homosexuels, transsexuels ou encore drag-queens. Parmi les figures emblématiques de la saison, on retrouvera aussi Masseo, bisexuel à la recherche d’une identité sexuelle mais aussi Paul, candidat qui prône la différence à travers un look haut en couleur. Abordant des problématiques contemporaines, la saison 12 se distingue sous l’influence de Marguerite qui insuffle un vent nouveau aux causes importantes de notre époque.

Plus qu’un télécrochet, la Star Academy cristallise les aspirations de la jeunesse. Si du temps de Jenifer, les candidats aspiraient à une gloire rapide inspirée par l’American Dream, les élèves actuels se font plus humbles quant à leurs attentes. Coach vocal, professeur de chant, nombreux sont ceux à simplement aspirer vivre de leur musique sans forcément désirer la célébrité. Avec des cours au niveau bien plus bas qu’auparavant, les résultats se font plus modestes. Le grand spectacle d’antan où Mariah Carey, Roch Voisine et Charles Aznavour se succédaient a cédé la place à un show plus intimiste. Les candidats, trop jeunes pour faire la comparaison, se contentent de ce The Voice amélioré où l’on gagne un smic par mois pour mener la vie de château. L’influence américaine a disparu au profit de celle des réseaux sociaux. Désormais on veut des résultats immédiats pour peu de charbon. L’immédiateté d’une reconnaissance octroyée à coup de dizaine de milliers de likes plutôt qu’une tournée de Zénith. Les règles du jeu ont changé. Les petites filles ne veulent plus devenir chanteuses pour se trémousser ventre à l’air sur des sons mièvres mais se créer une identité artistique multiple où s’entremêlent différentes disciplines sans choisir. Lola, candidate la saison 11 illustre ce phénomène. Deuxième à quitter l’aventure, la jeune femme joue les modèles, danse dans les clips et chantonne via des covers postées sur ses réseaux sociaux. À posséder trop de casquettes, Lola n’est suffisante dans aucune des disciplines dont elle se revendique, illustrant malgré elle le malaise de toute sa génération.
Émission emblématique pour les milléniaux comme pour la gen Z, la Star Academy traverse les époques de par le divertissement qu’elle procure et la cristallisation de la jeunesse. Des gamins biberonnés à l’American Dream prêts à tout pour faire la couverture de Fan2 aux enfants de Tik Tok pro LGBTQA+, l’émission aura su percevoir la mutation de toute une génération.
Un article de Mélanie GAUDRY.
Comments