Stromae : Une Voix pour la Santé Mentale

Sept ans après la sortie de son album Racine carrée Stromae nous propose un album nommé “Multitude” avec pour thématique principale la santé. Pour rappel, la longue pose de l’artiste était due à son burn-out ainsi qu’aux suites du traitement antipaludéen qui l’a laissé, à l’époque, dans un état fragile.

L’Enfer, c’est nous

Le titre par excellence de cet album est l’Enfer, qui décrit la dépression, les envies suicidaires mais aussi le combat que l’artiste mène contre cette maladie.  Stromae nous offre ainsi un espace en tant qu’auditeur dans lequel nous ne sommes pas seuls : « J’suis pas tout seul à être tout seul ». Il est vrai que lorsque nous sommes tristes et que nous nous sentons seuls, nous avons tendance à chercher le réconfort dans les œuvres que nous aimons, et c’est exactement ce que Stromae nous suggère dans ce nouvel album. L’Enfer est aussi une confession de sa propre vulnérabilité face à ses maux, de la solitude ressentie dans ces moments seul à seul avec la dépression, mais aussi du tumulte que cela provoque en nous. La chanson explore ainsi la multitude de pensées que cela engendre comme les envies suicidaires. Ces dernières ne constituent en aucun cas la solution idéale face à ces moments de grande difficulté - bien au contraire. Aussi, la culpabilité est bien mise en avant comme étant une situation vicieuse avec laquelle nous dansons sans moyen de nous arrêter, car d'après Stromae, l’enfer, c’est nous.

Être invaincu face à la santé

Stromae nous livre aussi le titre Santé, dans lequel il lève littéralement son verre à ceux qui n’ont pas ladite “santé”. Ce titre est fort car il concerne tout le monde d’une certaine manière mais, surtout, les personnes qui la détruisent et, comme il dit, n’ont pas le cœur à lever le leur. Ce titre se veut dur de réalité mais Stromae réussit, comme toujours, d’une main de maître à garder l’instrumental pop et son esprit plus peps liés à la fête. La thématique de la maladie n’est pas une nouveauté dans ce que nous propose l’artiste, rappelons-nous les titres Quand c’est dans lequel il aborde le cancer ou encore Moules Frites qui nous parle de sida qui étaient déjà présents dans Racine carrée. Le thème de la santé ressurgit alors par touches plus ou moins importantes dans d'autres titre tels que Déclaration avec la phrase « La contraception qui te détruit la santé » ou encore dans le premier titre Invaincu, dans lequel ce thème est omniprésent. Il aborde la difficulté que représente le fait d’être malade, mais c’est aussi une ode au combat. Ce titre se veut brusque et franc, comme le combat que l’on mène contre la maladie et nous le sentons dans les paroles « Tant qu’j’suis en vie, j’suis invaincu » ou encore « Tu crois qu’tu vas m’la mettre / Même pas en rêve, espèce de p’tite putain / 3 balles en pleine tête ». Il est incisif et déborde de vérité face à l’adversité de la maladie, comme une bête que nous devons dompter. Ses paroles sont lourdes de sens car elles démontrent le meilleur affront que l’on puisse faire à la maladie : se tenir debout et “Invaincu”.

L’envie d’être en vie

Malgré cela, Stromae affirme que si on mesure la victoire au fait de rester en vie seulement alors personne n’en sort véritablement victorieux, c’est pourquoi il nous offre le titre Mauvaise journée qui est un symbole de ce flot de sentiments négatifs : “Hmm, je m’sens si seul”, “Hmm, laissez-moi c’est mon droit d’être déprimé dans mon fauteuil” et “J’préfère dormir toute la journée si c’est pour vivre ce cauchemar”. Ce titre est le reflet exact de ce que l’on peut ressentir quand ça ne va pas, que l’on souhaite appeler à l’aide mais sans la force de sortir soi-même de cet état et qu’on à l’impression d'être le seul à souffrir : “Mais pourquoi j’ai plus de peine que les autres, alors que les autres n’ont aucun problèmes”. 

Cependant, pour l’artiste, le meilleur moyen de s’en sortir n’est pas de se complaire dans son propre malheur, comme il le montre à travers le titre Bonne journée :  “Tout c’que j’sais, c’est que s’il s’tourne vers le soleil, l’ombre est derrière lui”. En somme, ce qu’il nous dit là, c’est qu’il faut vivre le moment présent et accepter car “C’est parce qu'y a des bas qu’y a des hauts et parce qu’y a des hauts qu’y a des bas ”.

Bien sûr, cet album n’aborde pas que la thématique de la santé mais aussi plus largement celle de la solitude comme dans C’est que du bonheur où il partage avec nous ses craintes, notamment celles que son propre enfant l'oublie en grandissant. Les relations hommes-femmes y ont aussi une belle part avec, par exemple, le titre La Solassitude où cette fois il est question d’un homme tiraillé entre la vie de couple et la vie de célibataire mais aussi dans Mon amour qui dépeint un homme infidèle, menteur et misogyne. Le thème de l’infidélité n’est pas nouveau lui non plus et était déjà présent dans l’album Racine carrée avec le titre Formidable. Un autre titre fort de sens est Fils de joie dans lequel il nous livre le récit d’une travailleuse du sexe du point de vue de trois hommes qui sont respectivement un client, son mac et un policier. A travers ce titre mais également dans Déclaration, Stromae nous offre une image de femme forte mais opprimée avec un homme, faible mais oppresseur duquel la femme ne s’est pas encore libérée. 

Si cet album nous livre des titres forts de sens, son objectif premier est de rendre visible le thème de la santé au sens large. Ce qu’on apprend en l’écoutant, c’est que la vie ne se résume pas à nos peines et que la meilleure manière de gagner est encore de continuer à vivre, jour après jour. Plus important encore, la solitude et la détresse ne sont pas immuables et même dans les situations les plus critiques, une porte de sortie existe. Il y aura certes des jours plus gris que d’autres, mais les moments de bonheur valent la peine d’être vécus car “s’il y a des bas, c’est qu’il y a des hauts” comme l’a si bien compris et exprimé l’artiste. Cet album est finalement un hymne au combat, au dépassement de nos propres peines et c’est ce qui nous fait du bien.

Un article de Eva MONGA.