En ce mois de la santé mentale, il est primordial d’évoquer un de ses pires ennemis, le manipulateur pervers narcissique. Véritable prédateur, le MPN use de nombreuses stratégies pour envahir le psychisme de sa proie et amorcer sa destruction. Le bombardement d’amour ou love-bombing se révèle un moyen efficace pour ferrer sa victime et sceller son emprise. Ce procédé est d’autant plus subtil qu’il ressemble à s’y méprendre au comportement d’un partenaire amoureux et agit sur les attentes inconscientes de la proie. Et pour cause : quelle femme ne rêverait pas de recevoir des déclarations enflammées de la part de son crush ? Qui resterait insensible à l’élaboration de projets communs quoiqu’un peu hâtif s’ils sont susurrés sur l’oreiller ?
Reconnaître le love-bombing pour mieux préserver sa santé mentale est devenu un passage obligé tant il peut s’avérer toxique pour celui qui le subit.
Love-bombing, mode d’emploi
Particulièrement friand des montagnes russes émotionnelles, le pervers narcissique adore induire les réactions de sa victime en adoptant des comportements outranciers. Mais, avant de sélectionner une proie, ce dernier doit s’assurer que celle-ci possède les qualités nécessaires pour être réceptive à sa manipulation. C’est pourquoi nombreuses seront les proies potentielles à ne pas passer l’étape du bombardement d’amour pour atteindre celle de la dévaluation. Le love-bombing sonne comme une période d’essai au sein de laquelle le MPN peut rapidement se retirer au profit d’un profil qu’il juge davantage malléable.
Rendu célèbre par la psychiatre américaine Margaret Singer - connue pour ses études sur le lavage de cerveau – le love-bombing désigne initialement une méthode pour recruter des adeptes de dérives sectaires. En 1987, la découverte du trouble de la personnalité narcissique par Paul-Claude Racamier vient donner une seconde vie à ce terme connoté. À la manière des gourous, le pervers narcissique a recours au bombardement d’amour pour tisser un lien privilégié avec sa proie. Durant une période de trois à six mois en moyenne, le MPN se fera passer pour l’homme idéal en comblant toutes les attentes de son partenaire. Monopoliser l’attention de sa victime tout en découvrant ses failles, tel est son maître mot. Aussi, deviendra-t-il rapidement une oreille attentive pour pouvoir utiliser plus tard les confidences de sa cible contre elle.
Durant cette période, le pervers narcissique ne reculera devant aucune déclaration d’amour. Multipliant les cadeaux et les attentions, il calquera son personnage sur les héros de comédies romantiques, incarnant tout ce que l’autre est censé désirer. Et c’est ici que le bât blesse. Pour un œil imperméable à la manipulation, ce déferlement d’affection mêlé à son côté extraverti sonnera faux puisqu’impersonnel. Les premiers temps du moins. À séduire de manière quasi militaire, le MPN oublie que l’autre possède une individualité qui lui est propre. Il ne faut pas oublier qu’il est dépourvu d’intériorité et que ses comportements ne sont rien de plus que des masques qu’il ajuste en fonction des circonstances. Une fois la relation amorcée, le pervers narcissique pourra choisir le personnage qui sied le plus à sa victime. Si certaines sont atteintes du syndrome de l’infirmière et rechercheront – consciemment ou non – une personne à épauler, d’autres seront davantage conquises par l’assurance de leur homme. Le love-bombing permet d’identifier les besoins de la proie en devenir pour mieux sceller l’emprise naissante et le MPN excelle à ce « jeu ».
Quand c’est trop beau pour être vrai, bien souvent c’est que ce n’est pas vrai. Aussi faut-il se garder de s’ouvrir prématurément à l’autre afin de ne pas s’exposer à des violences psychologiques particulièrement destructrices et ainsi mettre à mal sa santé mentale. Nous y reviendrons.
Sortir du miroir aux alouettes
Distinguer le love-bombing du manipulateur pervers narcissique du comportement excessif d’un amoureux transi se révèle des plus compliqués. En effet, de loin, la démonstration d’amour peut sembler similaire même si, en s’y attardant, les signes sont d’ores et déjà là, comme autant de drapeaux rouges pour mettre en garde la victime en devenir.
Le pervers narcissique envahit l’espace mental de l’autre. Il n’hésitera pas à s’accaparer sa proie afin de l’isoler de son entourage. Appels incessants, messages omniprésents, il n’aura de cesse de solliciter son attention et ainsi pénétrer son inconscient. À la différence d’un partenaire épris qui peut parfois se montrer temporairement envahissant, la démarche du MPN est constante, régulière comme s’il exécutait un plan défini. Si la victime lui fait part de son indisponibilité, le pervers narcissique se fera un plaisir de se manifester par goût de la transgression, là où une personne saine respectera l’emploi du temps de l’autre.
Par ailleurs, un empressement est à noter chez les MPN durant cette phase. En outre, il a conscience que le temps joue contre lui car il peut être vecteur de réflexion. C’est pourquoi il voudra que la relation avance rapidement, précipitant rapports sexuels et engagement sur le long terme. Ce sera l’unique phase où le pervers narcissique ne sera pas désireux de saboter la relation, chose qui rendra plus tard la proie nostalgique et désireuse de retrouver cette « lune de miel » si parfaite … en apparence !
En matière de cadeaux, le pervers narcissique ne lésine pas. Son dessein est simple : rendre sa victime redevable. Rien n’est gratuit avec une personnalité de ce type qui espère bien rentabiliser son investissement. Le MPN a une prédilection pour les cadeaux qui tendent à le mettre en valeur de façon directe ou indirecte. Recommander un avocat avec lequel il entretient de bons rapports pour montrer qu’il est sociable, inviter sa proie en voyage pour acquérir un photographe bénévole, si de prime abord, les attentions du manipulateur pervers narcissique paraissent louables, elles dissimulent en réalité des intentions qui ne le sont pas. À l’inverse, une personne amoureuse pourra trop en faire mais les présents n’auront jamais comme effets secondaires de lui apporter une plus value personnelle.
L’inconstance régissant le MPN, le bombardement d’amour, aussi plaisant qu’il soit - pour les victimes dépendantes affectives notamment - ne tarde pas à céder la place au silence radio. Aux mots doux et propositions alléchantes se substitue un no contact des plus pesants. Généralement, le pervers narcissique aurait pris soin d’envoyer un message de rejet à sa victime avant de disparaître. Attention, ce départ n’est pas définitif. Il ne s’agit que d’un préambule pour sceller l’emprise et, au passage, se faire désirer. Le MPN, à son tour bombardé de supplications et d’autres demandes de clarification jubile. Une bonne proie dépensera une énergie incommensurable pour comprendre. Aussi est-ce le test ultime. Un regain de lucidité qui emmènerait la victime à faire preuve de bon-sens en répondant au silence par le silence pourrait encore la sauver. En cherchant des réponses, la cible se piègera doucement elle-même, le MPN se contentant de superviser.
La constance - et plus particulièrement le manque de constance – permet de distinguer ce qui est sincère de ce qui ne l’est pas. Une personne amoureuse ne cessera pas de l’être du jour au lendemain et si la passion s’assombrit, elle prendra soin de communiquer avec son partenaire. Une relation grandissant avec le temps, il y a même de fortes chances pour que l’investissement soit croissant au fur et à mesure que les individus apprennent à se connaître. Avec le pervers narcissique, les codes changent : l’intimité intervient d’emblée, les déclarations fusent avant de céder la place à un silence dévastateur. L’inconstance du MPN qui, coincé au stade anal ( environ trois ans ) ne parvient pas à s’investir sur le long terme est probablement ce qui est le plus caractéristique. Sa propension au mutisme mesuré ( silence radio incomplet ) parachève le portrait de ce vampire affectif.
Observer le comportement d’un individu sur plusieurs mois est donc essentiel pour s’assurer qu’il souffre bel et bien de trouble de la personnalité narcissique.
Se défendre du love-bombing
En cas de love-bombing, il est essentiel de s’affirmer face au pervers narcissique. Celui-ci fera tout ce qui est en son pouvoir pour sceller son emprise le plus rapidement possible. La précipitation empêchant la victime de réfléchir posément et de demander conseil à ses proches, il a pleinement conscience que le temps est de son côté s’il parvient à bien l’utiliser. La proie doit impérativement temporiser pour préserver son espace mental. Refuser les rendez-vous de dernière minute ou de basse qualités ( tardifs, sur le pouce etc) est essentiel. Faire savoir au MPN que la cible n’a pas l’intention de repousser ses limites pour le satisfaire est une belle déclaration d’amour propre qui ne manquera pas de faire fuir le nuisible.
Face à l’omniprésence du pervers narcissique, la victime ne doit pas hésiter à refuser ses appels ou ses visites impromptues. Privilégier son quotidien doit être le maître mot. Le MPN prenant un malin plaisir à contacter sa victime quand elle n’est pas disponible, cette dernière se doit de protéger son espace mental et ses tâches quotidiennes synonymes d’équilibre émotionnel.
Les cadeaux du manipulateur doivent être retournés. Il ne faut pas avoir peur de le froisser car c’est justement en se montrant trop permissif que le MPN s’impose davantage.
Quand intervient le message de rejet - toujours indirect, le pervers narcissique peut opter pour un sms où il met en garde sa victime ou faire intervenir un tiers – la proie doit se montrer pragmatique. En mettant de côté les émotions négatives qui l’envahissent pour adopter un comportement terre à terre, elle ne nourrit pas le MPN, friand de drames en tout genre. Le manque de réactions émotionnelles pour une réponse lucide fidèle au texte va décontenancer le vampire affectif. Son silence radio n’interviendra plus pour asservir une proie déjà blessée par le rejet mais deviendra un ultime recours pour gagner son attention. L’attitude de la victime pendant ce no contact forcé est, par conséquent, déterminant.
Intuitivement, il est logique de demander les raisons de son éloignement à une personne avec laquelle nous avons l’habitude d’échanger. Le MPN le sait mieux que quiconque. C’est patiemment qu’il attend les complaintes larmoyantes de sa victime, déboussolée d’être ignorée sans raison valable. Le rejet induit par le silence étant une violence psychologique des plus violentes puisqu’elle symbolise la négation de l’autre, la proie n’aura de cesse, en réaction, de vouloir être « reconnue » par son bourreau. Cette dernière ne reculera devant rien pour retrouver la « lune de miel » qui lui manque tant. N’existant plus aux yeux de cet autre qui lui donnait le sentiment de reconnaissance qui lui fait tant défaut, les pensées obsessionnelles ne tarderont pas à l’envahir. Le désespoir aidant, la victime confondra le manque avec le sentiment amoureux, ce qui renforcera ses élans vers le MPN.
Quoique contre-intuitif, pour défaire les plans du manipulateur, répondre au silence par le silence est primordial. Le mutisme du MPN étant incomplet – n’assumant pas son attitude, il conservera toujours une porte ouverte – la victime va devoir adapter son attitude sur celle de son bourreau pour mieux casser le script écrit pour elle. Si le pervers narcissique envoie une photo par semaine via ses mails pour prouver qu’il n’est pas réellement fâché, la proie devra faire de même. Nulles demandes d’explications nuls reproches, seul un mimétisme rigoureux sera susceptible de décontenancer le manipulateur d’ordinaire habitué à recevoir une attention accrue pendant son mutisme.
Distinguer le love-bombing d’un pervers narcissique de l’emballement d’un prétendant maladroit n’est pas aisé. À l’exception des signaux évoqués, seule l’intention vient faire la différence et le temps se révèle un précieux allié en la matière. Le silence radio qui suit ces mois de « lune de miel » s’avère fort parlant . Le bombardement d’amour et le mutisme étant les armes privilégiées de ce vampire affectif dont le développement psychisme équivaut à celui d’un petit enfant.
Préserver sa santé mentale en sachant reconnaître la présence d’un MPN dans son entourage est essentiel. Côtoyer un individu aussi toxique peut engendrer d’autres troubles mentaux comme la dépression ou encore les troubles du comportement alimentaire. C’est pourquoi s’en débarrasser au plus tôt est primordial.
Un article de Mélanie GAUDRY.
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