Faire du beau cinéma fait-il de vous un bon cinéaste ? C'est la question qui se pose à la sortie du dernier film de Coralie Fargeat, présenté au Festival de Cannes et primé pour le meilleur scénario.
Elizabeth Sparkle, ancienne star de cinéma recyclée en coach d’aérobic, voit sa carrière brutalement freinée : virée par son patron, victime d’un âge qu’elle ne peut plus camoufler. C’est alors qu’elle découvre une substance miraculeuse, capable de cloner une version « plus parfaite » — et surtout, plus jeune — d’elle-même. Déterminée à tout pour retrouver sa gloire passée, Elizabeth passe commande.
The Substance est un film pataud, répétitif et gavé de citations, qui se plie et se replie sur ses propres effets jusqu’à la nausée. Imaginez : un manège de 2h20, magnifique certes, mais toujours le même tour. Les scènes sont doublées, rien n’est subtil ; des personnages secondaires au regard masculin qu’il prétend dénoncer, tout est surjoué, sursaturé, comme une injection massive d’héroïne. Car The Substance, c’est bien cela : un opioïde promettant jeunesse et renouveau, mais qui, insidieusement, te détruit de l'intérieur.
Des références, des références et du cinéma ?
Entre Le Portrait de Dorian Gray et La Peau de Chagrin, entre Shining et Psychose, entre Vidéodrome et Eraserhead son cœur balance et le mien s’endort. The Substance se complaît dans cette logorrhée de citation qui, selon le point de vue, le rend tape à l'œil ou baroque. Le problème n’est pas l’hommage en soi mais la surenchère de celle-ci. Qu’un couloir évoque celui que parcourt Danny dans Shining est intéressant, mais ce n’est jamais assez : il fallait aussi recréer les toilettes, autre lieu de tension chez Kubrick. Cela réitère visuellement ce que l’on avait déjà compris : cet endroit est DANGEREUX, MALSAIN. Et comme si cela ne suffisait pas, la narration s’empresse de le souligner par la présence du producteur véreux, du dîner au restaurant, tout en gras et en relief, là encore sans une once de subtilité.
Que reste-t-il à sauver de ce film ?
Tout d’abord un mot sur les acteurs, Demi Moore est excellente en Norma Desmond* moderne et Margaret Qualley réussit à ne pas se faire éclipser et garde son rang de future grande actrice que l’on avait déjà remarqué dans le film Once Upon A Time in Hollywood de Quentin Tarantino. Les autres acteurs n’ont malheureusement pas grand-chose à défendre et n’arrive pas à tirer leurs épingles du jeu.
La direction artistique, en revanche, est un régal visuel. Du faste de l’appartement d’Elizabeth Sparkle à l’élégance minimaliste de l’espace de retrait de La Substance. Ou sent un soin tout particulier apporté aux intérieurs du couloir et des toilettes de la production malgré la référence tape à l'œil à Shining de Stanley Kubrick.
Et le point de vue du film ?
C’est peut-être ce qui fait chavirer le film pour moi. Le film ne réinvente pas la roue, le male-gaze est la vision qui objectifit la femme à outrance et qui doit non pas être détruite mais être questionner et repensée. Malheureusement, tout en croyant se battre pour cette cause, Coralie Fargeat caricature le male-gaze au point de rendre le film inopérant politiquement car trop surfait. Comme un caricaturiste, Coralie Fargeat ne peut que faire rire et jamais réfléchir son spectateur tellement les plans sur les fesses de ses actrices sont redondant et grotesque. En aucun cas je ne remets en question le but qu’avait Coralie Fargeat de critiquer le male-gaze mais il me semble qu’en le caricaturant elle ne fait rien d’autre que de détruire la substance critique de son propre film et c’est bien dommage.
Un article de Isaac VIVIER.
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