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Cartier Santos : Mélodie de Luxe

Dernière mise à jour : 14 nov.

Dès la première note, je suis tombée amoureuse de cette chanson sublime. À la fois douce, sensuelle et terriblement cruelle… CARTIER SANTOS raconte les amours déchues d’un homme, épris d’une femme vénale. Une chanson exquise, porteuse d’une sensualité et d’une sensibilité à tout rompre. C’est doux, c’est pur, c’est frais… Frais comme une coupe de champagne bien frappé.

Synesthésie et tragédie sexy

CARTIER SANTOS est le 6e morceau du nouvel album de SDM, « À LA VIE À LA MORT ». Portée par une prod magnétique qui diffuse une atmosphère tragique, cette chanson sexy est un délice.

Plaisir auditif, et plus largement sensoriel, on imagine de belles images, on ressent les goûts, les saveurs, on visualise les couleurs… On hume les odeurs, on se délecte des parfums… Comme une synesthésie. La synesthésie est un phénomène perceptif, par lequel plusieurs sens sont stimulés. En poésie, c’est aussi une figure de style qui désigne l’association de plusieurs sens (la vue, l’odorat, l’ouïe, le goût, le toucher), comme on peut le voir dans la littérature baudelairienne : l’olfactif et le tactile, les parfums et les liquides sont associés.

Dans Cartier Santos, on découvre un univers sensoriel, mêlant le plaisir auditif, au plaisir visuel, une poésie olfactive, une mélodie presque gustative. Une mélodie qui touche nos sens, notre sensibilité. Notre essence, notre sensualité.

La mélodie diffuse une ambiance tragique et sensuelle, renforcée par la voix chaude et grave de SDM. On l’écoute comme un boit un verre de cognac, qu’on renverse délicatement dans un verre élégant… Délicieusement. On la savoure comme un élixir. On la déguste comme un nectar. On s’enivre de cette mélodie, dont les notes exquises nous rappellent la douceur d’un parfum Guerlain, saveur rhum, entre la vanille et la tubéreuse. On la déguste comme une poésie ténébreuse.

Une synesthésie sur fond de tragédie.

L’amour et l’argent,

Font-ils le bonheur ?

CARTIER SANTOS est une marque de luxe, spécialisée dans les montres, l’horlogerie. Le titre annonce la couleur : une femme éprise du luxe, une femme obsédée par l’argent.

Cartier Santos nous plonge dans les méandres de la passion amoureuse. Avec ce morceau sublime, le rappeur révèle une sensibilité cristalline, et laisse tomber le masque du dur à cuir. On découvre un homme amoureux et à fleur de peau. Affleure une sensibilité masculine, dont la douceur câline, tout en saignant à flots. Le rappeur se livre, dans un feuilleté d’émotions, malgré la vision sombre qu’offre sa relation.

Le protagoniste aime une femme sulfureuse qui collectionne les cœurs. Croqueuse d’hommes, autrice de mille douleurs. Une femme matérialiste, pragmatique et intéressée. Cette chanson explore un thème récurrent : la figure de la « michto ». Autrement dit, une femme vénale et calculatrice, qui ne pense qu’à l’argent. Pourtant, l’authenticité du texte de SDM semble y apporter une nuance. Cette femme sulfureuse, est-ce une tch* assoiffée d’argent ou une femme réaliste en quête d’une solide relation ?

Évidemment, on ne bâtit pas une relation avec une Cartier Santos. Pourtant, une relation amoureuse peut difficilement vivre ou perdurer sans argent. L’argent ne fait pas le bonheur. Certes. Mais sans argent, on y accède difficilement. Comme le dit Booba, l’argent, c’est la liberté.

Entre sensibilité masculine et sensualité féminine : une proposition artistique nouvelle

L’effeuillage des émotions se joint à l’effeuillage de la femme. Amour, sexe, tragédie, tristesse… Cette femme connaît bien la psyché masculine, et en joue à loisir. Une femme qui ne se contente pas d’être un objet de désir. Mais, qui est aussi la source de son propre désir, le sujet de ses multiples plaisirs.

Exquise et délicieuse, addictive et enivrante, cette chanson témoigne d’une sensibilité masculine et porte une sensualité féminine hors norme. Ce bijou de douceur et de volupté est une épine au cœur. Le flow de SDM retranscrit à merveille, ce côté doux-amer des relations amoureuses. La chanson elle-même est une métaphore de la femme, dont elle est le sujet.

« Misogynie » ou Female gaze ? La figure de la michto et l’archétype de la femme fatale

Ici, la figure de la michto est combinée à l’archétype de la femme fatale. Dans la culture populaire, la femme fatale est une séductrice qui use de ses charmes pour piéger les hommes. Elle a un magnétisme envoûtant qui lui permet d'obtenir tout ce qu’elle désire des hommes qu'elle séduit, quitte à les mener à leur perte. La femme fatale est aussi appelée « vamp », diminutif de vampire. Dans l’imaginaire collectif, la michto est une femme intéressée et âpre au gain. Le mot « michto » venant de « michetonneuse », on l’associe également à une « catin », une prostituée.

Dans Cartier Santos, la michto et la femme fatale forment une seule et même personne. Décriée par la gente masculine, elle a néanmoins voix au chapitre dans cette œuvre.

En effet, la narration offre une proposition artistique nouvelle. On pourrait aisément taxer le titre de « misogyne ». Mais le texte retranscrit avec délicatesse une certaine vision du « female gaze » : plus qu’une femme fatale au charme sulfureux, il s’agit d’une femme qui se cherche amoureusement, sexuellement, financièrement, émotionnellement, et qui privilégie son bonheur, sans laisser les hommes abuser d’elle. Conceptualisée par Laura Mulvey, la notion de “male gaze” fait écho au regard masculin, diffusé dans la culture populaire et les œuvres d’art. Ce filtre est mis en opposition avec la notion de “female gaze”, le regard féminin. Le « female gaze » est également un concept élaboré par la théoricienne féministe Laura Mulvey. Le regard féminin (ou female gaze, en anglais) est une théorie féministe sur le cinéma qui questionne le regard de la spectatrice ou du spectateur porté sur les protagonistes féminins d’un contenu culturel.

Dans CARTIER SANTOS, le « male gaze » et le « female gaze » sont mis en parallèle, dans une danse subtile, vénéneuse et dangereuse.

Autopsie d’une relation toxique

Au fil du texte, on découvre néanmoins une femme manipulatrice et abusive. « Elle me dit : « Tu bouges pas, ton sang, j’ai pas encore assez bu » Le vampirisme de la “vamp”.

« Faudra d'la foi et du courage, une relation remplie de rage, j'vois jamais l'soleil, que l'orage » « Elle veut son blase en tatouage, que j'me sépare d'mon entourage, la dernière collection Courrèges » Dans ces phrases, on note des allitérations qui reflètent la colère et la rage de l’artiste, des assonances et des rimes qui illustrent son amertume.

Cette chanson nous plonge dans les abysses d’une relation nocive et déséquilibrée, vicieuse et pernicieuse. Élixir ou venin ? Poison ou nectar ? La chanson donne à voir la relation sous un angle multiple. Un angle singulier et pluriel, refusant une vision manichéenne qui occulte les subtilités du sentiment amoureux. Femme vénéneuse, femme venimeuse, homme en proie à ses multiples tourments. Triste amant… Les dynamiques du pouvoir semblent alors inversées. La femme est dominante, l’homme est dominé. Mais c’est bien plus que complexe que cela… Le personnage principal est pris par un maelström de sentiments, perdu dans un tourbillon d’émotions. À la fois narrateur et protagoniste, ce personnage tragique nous émerveille…